Il est coutumier d’entendre nos responsables politiques locaux ou nationaux déclarer que la création d’une nouvelle activité est toujours source de bienfaits économiques et donc de création d’emplois. Cette idée peut être aussi largement prise en considération par certains d’entre nous. Cependant cette affirmation demande à être analysée avec un peu plus de soin.

Si de nombreux économistes et banquiers parlent de croissance économique, parfois de manière un peu aveugle, les scientifiques savent depuis longtemps que notre planète est un monde fini (au sens mathématique du terme, c’est-à-dire qui a des limites dimensionnelles). Ainsi, le bon sens d’autres économistes et même de comptables donne une approche différente : les premiers déclarent qu’il faut tenir compte de l’effet « sablier » et les seconds, très pragmatiques, ne manipulent que des signes « plus » ou des » moins  » pour calculer un résultat.

En ce sens, on peut alors se poser la question suivante : si un établissement Mac Do s’installe dans notre ville, un « plus » pour certains, quels peuvent être alors les « moins » ?

Sur la base de la population d’Espalion et de la clientèle de passage on peut estimer à la louche que le total des repas pourrait se situer aux alentours de 3,5 millions de repas par an. Ce n’est qu’un ordre de grandeur et n’a pas valeur d’étude de marché. Une partie de ces repas rentre dans le cadre de la restauration collective (EHPAD, écoles, services à domicile…) et est donc probablement inaccessible pour la production locale, ce que l’on peut regretter au passage. En conséquence, on peut estimer, pour faire simple, environ 3 millions de repas par an accessibles au circuit commercial, mais cette valeur n’a pas grande importance pour la suite du raisonnement.

Si Mac Do s’installe, il absorbera donc une partie de ce gâteau qui contribuera à une taxe professionnelle avec un apport de quelques emplois. Tout ça rentre donc dans la colonne du positif pour nos amis comptables.

Maintenant si nous regardons le secteur des producteurs, des restaurants et autres commerçants des métiers de bouche de la ville et du marché d’Espalion, le gâteau à partager sera alors réduit à cause de la part aspirée par Mac Do. Ce nouveau chiffre deviendra alors celui des bouches potentielles à nourrir, nécessairement inférieur à celui d’aujourd’hui.

Dans ces conditions, les « moins » pour l’économie se ressentiront à cause de ce détournement de clientèle, même si certains commerçants affirment ne pas craindre cet effet « sablier », pourtant décrit par les experts en économie :

  • moins d’activité dans la restauration indépendante (à noter que le couvre-feu covid de 21h étoufferait l’offre du dîner chez ces restaurateurs alors que McDo pourrait vendre ses burgers)
  • moins de ventes dans les commerces alimentaires (boucheries, boulangeries…)
  • moins de ventes chez les forains du marché (fromagers, charcutiers, maraîchers…)
  • moins de revenus pour tous ces acteurs concernés
  • moins d’emplois à terme en raison de la chute des revenus de ces acteurs
  • moins de préparations familiales à domicile, réduisant les achats auprès des acteurs ci-dessus
  • moins d’achats d’articles de cuisine à cause de la réduction des préparations familiales…

Dans la colonne des aspects négatifs, il ne faudra pas oublier d’ajouter ceux provenant directement de Mac Do, à savoir : augmentation de la circulation routière et des déchets d’emballage sur place et sur la voie publique. A prévoir donc un surcoût de ramassage des ordures que devront payer tous les espalionnais dans leur TEOM (Taxe d’Enlèvement d’Ordures Ménagères), même ceux qui n’iront jamais dans ce type d’établissement ! De même, on pourrait évoquer aussi les « moins » dans les domaines culturels et de la santé. Nous pourrions parler aussi de ces repas à « pas chers » qui se traduisent par du « plus cher » dans d’autres domaines, mais nous espérons bien argumenter sur tous ces sujets dans de prochains articles.

En économie, tout ce qui semble gagnant d’un côté a nécessairement des conséquences négatives de l’autre. Rappelons-nous du calcul des comptables. La ville d’Espalion souhaite-t-elle la disparition du marché et de ses producteurs locaux et bio qui se sont fortement développés depuis une quinzaine d’années ? Ce développement est la confirmation du réel besoin de la population de retrouver une alimentation saine à partir de la production en circuits courts. C’est un mouvement qui est en marche aussi dans toute la France, et Espalion ne peut pas aller à contre-courant de cette transition écologique irrémédiable.

Collectif  » Pas de Micmac à Espalion »